samedi 11 mars 2017

Les invasions démoniaques


Le 21 décembre 1609, Madeleine Demandolx, jeune ursuline, brise un crucifix après, dit-elle, avoir reçu la visite du diable. Immédiatement, ses supérieurs parlent de possession. Lors de son exorcisme, elle dénonce le curé Gaufridy qui l’aurait ensorcelée par des caresses équivoques. Quoi de plus banal en ce début du XVIIe siècle travaillé autant par les invasions mystiques que diaboliques ? Sauf que tout ce beau monde se retrouve devant le parlement d’Aix - ce qui est plus rare – et n’hésite pas à déballer toute cette sordide histoire, laissant au passage de précieuses archives.

Jean-Raymond Fanlo, professeur de littérature de l’Université d’Aix-Marseille, par une rude critique des sources et en fin psychologue, restitue l’atmosphère saisissante des débuts de la réforme catholique en Provence. Il conclut à la criminalisation de la révolte de cette jeune fille contre une vie religieuse imposée et à l’injustice du sort de Gaufridy jeté sur le bûcher (avril 1610) dans le seul but de terroriser les âmes tièdes.

Référence : Jean-Raymond Fanlo, L’Evangile du démon. La possession diabolique d’Aix-en-Provence (1610-1611)¸ Champ-Vallon, Ceyzérieu, 2017.

Les images du roi

Le dernier ouvrage de Yann Lignereux, professeur à l’université de Nantes, se penche une nouvelle fois sur les représentations du roi. De Charles VIII à Louis XIV, l’auteur souligne les modifications de ces images savamment construites pour justifier des politiques ou désamorcer des crises. Si Charles VIII endosse les signes du croisé, Henri IV les habits de Jupiter, Louis XIII la figure de l’État et Louis XIV se suffit à lui-même, c’est bien à cause de la modification profonde de la souveraineté royale. À partir d’images bien choisies, parfois rares, et toujours finement commentées par une bibliographie exhaustive, l’auteur insiste sur le caractère polymorphe des représentations royales qui s’adaptent à ses différents publics. À ce titre, le terme de « propagande » ne convient sans doute pas à l’imaginaire de la majesté.

Ces réflexions croisent le travail titanesque d’Ariane James-Sarazin, conservatrice en chef du patrimoine, qui réussit non seulement à retracer la vie mais dresse le catalogue raisonné de Hyacinthe Rigaud (1659-1743), peintre de l’une des icônes de la monarchie absolue : le portrait de sacre de Louis XIV. Sans délaisser l’histoire des représentations, cette étude se focalise sur le contexte matériel, social et intellectuel dans lequel cet artiste au service de l’élite travailla. La grande sensibilité artistique de l’auteur montre que la performativité de ces œuvres « monarchiques » résidait d’abord dans le savoir-faire des artistes.

Yann Lignereux, Les rois imaginaires. Une histoire visuelle de la monarchie de Charles VIII à Louis XIV, Rennes, PUR, 2016.

Ariane James-Sarazin, Hyacinthe Rigaud, 1659-1743, Dijon, Faton, 2015.